Le Choix du Cercle # 17 : Entrez dans la genèse de l'exposition les origines du monde, l'invention de la nature au XIXè siècle
Laura Bossi commissaire de l’exposition répond à quelques questions
Comment est née l’idée de cette exposition ?
La Nature ne s’est jamais tant imposée à notre réflexion. Pour « penser » notre relation avec elle, et notre place parmi les êtres vivants, un détour par le XIXe siècle est indispensable. C’est l’époque où naissent les modernes sciences de la Terre et de la Vie, de la biologie à la géologie et à l’écologie... Mais c’est surtout la théorie de l’évolution qui modifie profondément notre conception de l’homme, de ses origines, de sa place dans la Nature, et de sa propre animalité. Avec la publication de L’origine des espèces de Darwin en 1859, puis des écrits de Ernst Haeckel qui diffuseront largement le darwinisme, l’être humain est désormais placé dans un arbre généalogique qui souligne ses liens de sang avec le monde animal.
Quelles sont les thèmes abordés dans l’exposition ?
Elle présente un « long dix-neuvième siècle », où Darwin et l’évolutionnisme sont au centre d’un parcours allant des Lumières à la Première Guerre mondiale. Nous confrontons les principaux jalons des découvertes scientifiques et leurs parallèles dans les arts plastiques, de la découverte de l’immensité et de l’antiquité du Monde et leurs correspondances dans la peinture animalière et le paysage, à la réception immédiate du darwinisme par la caricature et le changement de l’iconographie du singe et des hybrides, jusqu’à la quête des origines auprès d’artistes comme Courbet, Gauguin, Odilon Redon, Kubin, Munch… Le parcours se termine avec une évocation du refus de la naturalisation de l’homme de la part d’artistes comme Kandinsky, Kupka, Hilma af Klint ou Mondrian, qui s’engagent dans la théosophie qui accompagne la naissance de l’abstraction.
Si vous deviez citer une œuvre du parcours, laquelle choisiriez-vous et pourquoi ?
Le Pithecanthropus alalus de Gabriel von Max, l’homme singe dépourvu du langage que l’artiste offre à Haeckel pour son soixantième anniversaire, témoignage de l’inquiétude de l’époque quant à nos ancêtres simiesques et de la fascination pour l’idée du « chainon manquant ». Mais aussi l’Arbre sur fond jaune de Odilon Redon, l’un des panneaux destinés à la décoration du Château de Domecy. Redon est l’un des artistes qui a le mieux exprimé le sens de l’unité du monde et d’une nature créatrice de formes, et cet arbre est un véritable arbre de vie.